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5 janvier 2014 7 05 /01 /janvier /2014 22:27

Musique

Les écumeurs

"Ce blog est un cheval de Troie qui me sert à aborder les gens"

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Philippe Dumez, autoportrait

Si Philippe Dumez veut faire votre portrait, acceptez  C'est pour les écumeurs! link En prime, vous serez photographié par l'excellent Benoît Grimalt.

 

Philippe, qui es-tu?

Danishout: Peux-tu te présenter ?

Philippe Dumez: Je m'appelle Philippe Dumez et je ne me sens pas souvent légitime dans ce que je fais - à commencer par répondre à une demande d'interview - , alors on va dire que c'est ça, mon métier : être imposteur. Mais j'aurais bien aimé être passe-muraille, j'adore ça, voir comment c'est chez les gens.

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Tu écris très bien, n’es-tu pas plus intéressé par faire le portrait des écumeurs que par les concerts qu’ils vont voir ?

Je ne suis pas sûr que j'écrive très bien, mais j'écris toujours avec passion. J'ai beaucoup écrit sur la musique, même si c'est à un niveau microscopique. Aujourd'hui, j'ai envie d'écrire sur autre chose : sur la passion, par exemple. C'est de là que vient l'idée des Ecumeurs. Ce blog est un cheval de Troie qui me sert à aborder les gens que je croise souvent le soir venu et que j'ai pas la chance de connaître. Les découvrir m'intéresse, et faire partager cette découverte me tient à cœur. J'ai parfois des retours de lecteurs qui me disent que, eux aussi, ils se sont aussi demandés pendant des années qui étaient untel et untel. J'ai aussi la chance de travailler avec un photographe dont j'apprécie beaucoup le travail : Benoit Grimalt.

Combien de temps mets-tu pour écrire un article ? Comment procèdes-tu ?

J'écris de manière très spontanée, mais c'est aussi ma limite : je suis incapable d'écrire sur commande. Je ne travaille jamais plus d'une heure sur un texte, sinon ça veut dire que je ne suis pas prêt à l'écrire. J'attends parfois que certains textes viennent. Il y en a que j'attends depuis de nombreuses années et qui ne sont jamais sortis !

Pourquoi les écumeurs ?

Quand j'ai eu l'idée de ce blog, je m'étais crée un top 10 des gens que j'aimerais faire figurer dedans. Pour le moment, j'en ai rencontré la moitié. J'en ai aussi qui m'ont dit non. La difficulté était de gagner la confiance de la première personne que j'ai interrogé, sachant que je n'avais rien à lui montrer vu que j'allais créer le blog spécialement pour publier son interview. J'ai eu la chance qu'il me dise oui tout de suite. Ensuite, je fais toujours relire aux personnes que j'interroge leurs propos avant de les publier. Pour moi, l'interview est réussie à partir du moment où les deux personnes qui y ont participé sont satisfaites. J'aborde régulièrement des gens que je ne connais ni d'Eve ni d'Adam pour leur demander s'ils accepteraient que je fasse leur portrait, comme si j'étais photographe. Et je commence à recevoir des candidatures spontanées.

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Faut-il forcément boire et/ou fumer pour être un bon écumeur ?

Je crois qu'il faut surtout être capable de rester debout pendant des heures sans avoir mal au dos. Et avoir une bonne capacité de récupération pour pouvoir remettre le couvert dès le lendemain.

Tu te retrouves forcément dans ceux que tu choisis ?

Je serais hypocrite d'affirmer le contraire étant donné que je suis moi-même écumeur. D'un point de vue personnel, j'ai toujours cherché à savoir comment j'allais vieillir avec une relation aussi obsessionnelle que la mienne à la musique. Je suis toujours à la recherche de passionnés qui ont réussi à gérer cette lubie de manière à ce que ce soit plus une source d'épanouissement que de frustration, ou le signe d'un repli sur soi. J'ai besoin d'être rassuré à ce sujet, car il y a aussi beaucoup de contre-exemples qui font peur. Devenir radoteur ou passéiste, c'est ma hantise. 

Où sont les écumeuses ?

J'en aborde souvent, mais elles sont plus timides que les garçons. Le premier "oui" a été long à venir. J'ai rencontré ma première écumeuse fin novembre, et je fais le portait d'un couple d'écumeurs début janvier. Ensuite, pour être honnête avec toi, quand je suis dans une salle de concert, je regarde en priorité les groupes.

N’as-tu pas envie de sympathiser avec les membres des groupes que tu vas voir plusieurs fois ?

La dernière fois, j'ai failli aller voir Scott Matthew pour qu'il me prenne dans ses bras mais je n'ai même pas osé le faire. Pourtant, j'aurai adoré, sa musique m'émeut tellement.

Comment se passe une bonne soirée ?

Une bonne soirée, c'est quand j'ai des frissons dans le dos ou la larme à l’œil. Dernièrement j'ai vu Dean Wareham à Point FMR. Il a joué plein de morceaux de Galaxie 500, j'avais l'impression de me retrouver 20 ans plus tôt devant "120 Minutes" sur MTV. Et il a terminé le concert par deux reprises : "Ride Into The Sun" du Velvet Underground et "Ceremony" de Joy Division. J'étais sur un petit nuage. Je peux aussi passer une bonne soirée parce que je suis avec un ami : comme quand je suis allé voir The Chameleons avec le garçon qui me les a fait connaître 25 ans plus tôt. Mais ça peut être aussi en face d'un groupe inconnu, dans une maison lointaine, au milieu de gens que je ne connais pas mais qui ont eu la gentillesse de m'accueillir. 

Un Concert c’est forcément la nuit ?

J'ai eu l'occasion de voir des concerts en plein air pendant la journée mais je ne garde pas de souvenir marquant. Les siestes acoustiques de Bastien Lallemand, en début d'après-midi le dimanche, sont une expérience auquel je vous souhaite d'assister. J'ai aussi vu des concerts en soirée, au salon de musique derrière l’Église St Eustache : début du concert 19h30 pétantes, fin 21h00. C'est un très bon horaire car il te permet de faire autre chose ensuite.

Son triangle d'or 

Les Festivals ? un piège à écumeurs ?

J'ai la chance de vivre au milieu d'un triangle des Bermudes dont les extrémités seraient La Maroquinerie, Point FMR et la Flèche d'Or. Autant dire que je vois rarement un concert auquel assistent plus de 400 personnes. La proximité est un élément auquel j'ai toujours accordé beaucoup d'importance. J'ai vu beaucoup de concerts au Pop'In, comme j'ai la chance d'en voir aujourd'hui à La Loge, l'Espace B ou les soirées à domicile proposées par Oliver Peel. En festival, évidemment, je me sens un peu perdu. Sauf à l'ATP.

Tu étais à l’ATP, c’était comment ?

C'est plus qu'un festival : c'est une vie en communauté pendant 3 jours, dans un village de vacances sur la côte anglaise, au milieu d'excités qui, comme toi, pensent que Guided By Voices est le meilleur groupe du monde. Je n'ai eu la chance d'assister qu'aux toutes dernières éditions, mais je n'avais jamais connu ça. Et je ne le revivrais probablement jamais.

Qu’est ce qui te fait pleurer ?

La liste serait longue. Mais entendre une chanson que je ne pensais jamais avoir la chance d'entendre en concert, comme voir un artiste que je pensais n'avoir jamais la possibilité de voir, me remuent. Récemment, j'étais au premier rang au concert de Linda Perhacs à Rouen. Elle a joué devant moi "Hey, Who Really Cares" et "If you Were My Man", c'était un moment très intense. Comme quand The Chameleons ont fait leur entrée sur la scène du Nouveau Casino sur "Swamp Thing". J'étais ému aux larmes.

Quel groupe te touche en live et pas sur ses albums ?

J'écoute rarement les disques de Vincent Delerm, mais je ne rate pas une occasion de le voir sur scène.

Un bon Concert, c'est quoi ?

Grâce aux écumeurs, je sais qu'il y a assez peu de chances que je ne connaisse vraiment personne quand je vais assister à un concert. Ça m'est arrivé une fois cette année, en allant applaudir Mulatu Astatke. J'aurai tendance à dire qu'un bon concert, c'est rentrer chez soi avec des étoiles dans les yeux et s'endormir avant qu'elles ne s'éteignent.

Tu fais de la musique ? Quel est l’instrument que tu préfères voir jouer sur scène ?

Je peux jouer "I Wanna Be Your Boyfriend" des Ramones sur un ukulélé, à condition d'avoir la partition devant moi, donc autant dire que je ne fais pas concurrence à mes idoles. Je ne sais pas si j'ai vraiment un instrument préféré sur scène, par contre je suis à peu près sûr de m'ennuyer quand je vois un musicien derrière un laptop.

Tu comptes aller à des concerts jusqu’à quel âge ?

Je ne pense pas que ce soit une question d'âge, c'est plutôt une question d'envie. Pour le moment, je n'ai jamais perdu l'envie d'aller me faire renverser une bière dessus dans des salles mal climatisées où le son n'est pas terrible. Mais peut-être que je m'en lasserai un jour.

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Les soirées éléctro ? DJ ? c’est aussi ton truc ? c’est aussi pour tes écumeurs ?

Comme je te disais tout à l'heure, les artistes qui sa cachent derrière un laptop, ça m'ennuie. J'ai besoin d'une énergie, que j'ai pu sentir quand je suis allé voir Hot Chip, Glass Candy ou LCD Soundsystem. Les artistes qui se cachent derrière des platines, c'est encore autre chose. J'adore danser, mais je crois que je préfère danser sur des guitares. Je trouve ça plus excitant. La première fois que je suis allé à l'ATP, j'ai entendu le DJ enchainer The Fall, Dead Kennedys et Pavement. Ça faisait des années que je n'avais pas entendu trois bons disques à la suite dans une soirée. Je suis resté une heure à écouter le DJ, juste pour la curiosité de savoir par quel disque il allait enchaîner ensuite. Et puis des confrères sont arrivés et ont commencé à se désaper, et on a fait les andouilles. 

Tu fais quoi quand des gens parlent à côté de toi en plein concert ?

Je ne cherche pas le conflit alors je me déplace jusqu'à ce que je me retrouve au milieu d'un entourage plus respectueux. Ça peut durer longtemps parfois. J'étais allé voir Beirut à We Love Green et j'ai eu l'impression de passer la moitié du concert à chercher "le bon spot".

Et quand tu ne peux pas voir à cause des photographes qui mitraillent ? Tu fais des photos ? des films ?

Je n'éprouve plus le besoin de rapporter un souvenir du concert. J'ai du respect pour les passionnés qui font de la photo - et qui ont également le respect des spectateurs. L'abruti qui filme avec son iPhone au lieu de regarder le concert de ses propres yeux, par contre, je ne comprends pas. 

Qu’est ce qui te nourrit dans la musique ?

C'est un formidable réseau social. Un camarade me disait l'autre jour : "Grâce à la musique, tu gagnes 10 ans en amitié". Je suis assez d'accord avec lui.

Comment choisis-tu tes concerts : prix des places, groupe, la salle, les copains ?

La curiosité, d'abord. La fidélité, ensuite. Le soutien aux grandes causes, parfois. 

Peux-tu me donner les noms de salles vraiment bien (son, scène, lumière, programmation …) et de salles où il ne faut surtout pas aller ?

La première fois que je suis allé à l'Espace B, je me suis promis de ne jamais y remettre les pieds tellement les conditions étaient inconfortables. Mais depuis, je me suis laissé gagner par le dynamisme de la programmation, le sampler à télécharger, les prix toujours abordables...  Alors je me garde bien de rester sur des idées préconçues. 

Est-ce que le look c’est important ?

Tu parles à quelqu'un qui a dispersé récemment sa collection de t-shirts de rock, donc je pense que tu te doutes de ma réponse. Les uniformes ne me gênent pas, je préfère toujours l'originalité au conformisme. Et j'ai une immense tendresse pour les gothiques. 

Est-ce que tu danses ? 

Oui, et j'attends désespérémment le retour du slow.

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Merci à Pascal qui m'a fait découvrir "les écumeurs" (en photo çi-dessus) Merci à Benoît Grimalt pour ses photos (©2,3,4,5) et à Philippe Dumez pour ses réponses.

Copyright© Danishout Janvier 2014

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